“Le vote, c’est quoi déjà ?” plaisante Titi. Ancien SDF, il a beau avoir un toit, il passe ses journées dans la rue. Derrière son sourire, une réalité. Beaucoup de sans domicile fixe ont oublié le chemin des urnes. Pourtant, même quand on vit dans la rue, voter reste possible.
Comme tout citoyen, les SDF peuvent s’inscrire sur les listes électorales. Les centres d’accueil de jour et d’hébergement leur permettent en effet d’être domiciliés. Se rendre en mairie pour obtenir une carte d’électeur : une démarche simple qui perd toute évidence quand on est dans la rue depuis longtemps.
Un public mouvant
Majid est éducateur au Point de repère, un centre d’accueil de jour pour les jeunes SDF de 18 à 25 ans. Il observe que ceux qui décident de voter sont généralement des personnes en “rupture momentanée. Des gens qui ne passent que quelques mois dans la rue et qui s’en sortent rapidement.” Même constat pour Ludivine Morel, responsable du service éducatif à la Fondation de l’Armée du Salut. “Les grands marginaux qui sont dans la rue depuis plusieurs années n’attendent plus grand-chose de ce que la société peut leur apporter.”
C’est encore différent pour ceux qui bénéficient d’une place dans des centres d’hébergement stabilisé où ils peuvent rester plusieurs mois. “On parle d’un public mouvant, c’est là toute la difficulté”, rappelle Jean-Philippe Vanhoutte, chef de service de l’Abej-solidarités, centre d’accueil de jour. “Quand bien même un SDF ferait l’effort de s’inscrire sur les listes électorales, ce n’est pas sûr qu’il vienne encore chercher son courrier chez nous plusieurs mois après. On reçoit souvent des prospectus pour des personnes qui ne sont plus domiciliées chez nous.”
“Un droit qu’on ne peut leur enlever”
Vient ensuite la question de l’information. “Il y a deux logiques différentes selon les centres : l’urgence ou l’insertion”, explique Ludivine Morel. Plus de 2000 personnes passent chaque année dans un des centres d’accueil de jour de Lille. “On répond avant tout à des besoins urgents : manger et boire chaud, se laver, se soigner”, souligne Gilbert Mavutu, chef de service du Point de repère. “On n’a pas le temps de sensibiliser les jeunes au vote.”
En revanche, dans les centres d’hébergement stabilisé comme celui de la Fondation de l’Armée du salut, parler du vote fait partie du travail d’accompagnement. “Pour chaque élection, le directeur envoie une note à tous les résidents pour leur rappeler leurs droits.” Pour Ludivine Morel, sensibiliser les SDF au vote a une réelle importance, “c’est le seul moment où ils peuvent s’exprimer. C’est la preuve qu’ils ont encore leur place dans la société. On insiste sur le fait qu’il leur reste ce droit, qu’on ne peut pas le leur enlever.”
Jean-Philippe Vanhoutte insiste sur le fait que même si certains se mettent “hors-jeu”, les SDF suivent l’actualité et débattent entre eux. “Beaucoup ne voient pas ce qu’une élection pourrait changer. Pour eux, ne pas voter est un acte politique en lui-même.”
Diane Desobeau
Amélie Tulet
mercredi 12 mars 2008
Lille - Sans toit mais pas sans voix
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