jeudi 6 mars 2008

Voter derrière les barreaux

Une fois enfermés, les prisonniers ne participent plus à la vie de la cité. Pourtant, la plupart des détenus français peuvent voter. Peu le savent, à commencer par eux. De l’inscription sur les listes électorales à l’information sur la campagne, comment s’organise le vote en prison ?

"Ne quittez pas, je vous repasse le standard…" Après avoir fait le tour des musiques d’attente de tous les services de l’administration pénitentiaire, retour au Service d’insertion et de probation. Difficile de savoir qui organise le vote des détenus pour le scrutin de dimanche. Puisque les détenus ne sont pas tous privés de leurs droits civiques, les établissements pénitentiaires sont tenus de les informer de la marche à suivre. Les travailleurs sociaux s’en chargent.

A l’automne dernier, Nadia Aouadi a envoyé un courrier à tous les prisonniers du centre de détention de Maubeuge. "Une note simple avec les dates des élections municipales et les différentes procédures pour voter : ceux qui ont de la famille ou des amis pour les représenter sur leur commune d’origine peuvent voter par procuration. Les autres sont obligés de voter sur leur lieu de détention donc à Maubeuge."
Même fonctionnement à la maison d’arrêt de Douai. "Les détenus isolés sont domiciliés au Centre communal d’action sociale et inscrits à Douai. Pour ces gars qui n’ont personne, on cherche des visiteurs de prison bénévoles qui veulent bien voter pour eux.", explique Fred Krepa, travailleur social.
Une fois les démarches administratives assurées, reste la question de l’information. "C’est le gros problème, concède Nadia Aouari, il n’y a pas vraiment d’information. J’aurais aimé faire intervenir quelqu’un de la mairie mais personne ne s’en occupe et nous, les travailleurs sociaux, manquons de temps." Pour Fred Krepa, c’est le type de scrutin qui rend matériellement impossible une véritable information. "A Douai, il y a des détenus qui viennent de partout en France, on ne peut pas diffuser les professions de foi de tous les candidats. Pendant les présidentielles, là on avait tous les programmes."

Un abstentionnisme record


Sur les 400 détenus de Maubeuge, entre 30 et 40 voteront dimanche. "C’est énorme pour un établissement pénitentiaire", rappelle Nadia Aouadi. Sur les 540 bulletins envoyés, Fred Krepa n’a eu que 100 retours. Comme il y a toujours des dossiers incomplets, seulement 60 voix s’exprimeront à Douai pour le premier tour. Fred Krepa y était pendant la campagne présidentielle, il rappelle que le désintérêt des détenus cette année est aussi dû à la nature du scrutin. "A l’image de la société, les gars étaient beaucoup plus mobilisés pendant la présidentielle. Ils étaient mieux informés grâce à la télé et il y avait même des débats politiques à la bibliothèque. Les municipales, personne n’en parle ici, même pas nous dans les services." Délicat pour ces électeurs de se sentir concernés par des enjeux municipaux, dans des lieux avec lesquels ils n’ont plus d’attaches.

Amélie Tulet

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