jeudi 6 mars 2008

Roubaix - Le dialogue sans faire de vagues

Une main tendue vers la communauté musulmane. Les présidents des six mosquées de Roubaix ont accueilli lors d’une réunion publique le 5 mars les trois principaux candidats à l’élection municipale. René Vandierendonck, Max-André Pick et Slimane Tir ont présenté leurs idées au cours d’un débat soigneusement balisé.


Interventions chronométrées, ordre de passage et questions écrites du public : le moins que l’on puisse dire est que les organisateurs craignaient les dérapages verbaux. Peu de vagues cependant : une cinquantaine de personnes composait un public soucieux d’éclairer son choix à la veille du premier tour.

Représentant près de la moitié de la population roubaisienne, la communauté musulmane est une cible électorale à choyer. Ce fut avant tout l’occasion d’aborder des questions aussi pragmatiques que l’extension du carré musulman au cimetière ou la nourriture hallal dans les cantines scolaires.Côté politiques, prudence et conciliation ont dominé la soirée.

"Exister dans l'indifférence"
"Revendiquer de pouvoir pratiquer son culte, ce n’est pas faire preuve de communautarisme mais au contraire d’une volonté d’installation durable en France", a déclaré René Vandierendonck, le maire socialiste en exercice qui brigue un troisième mandat. Pour le candidat des Verts Slimane Tir, "On est dans une longue conquête du respect, de l’égalité républicaine, d’une existence dans l’indifférence". L’UMP Max-André Pick a évoqué pour sa part une "situation difficile et compliquée", due à l’arrivée "récente" de cette religion en France, mais s’est dit "en tant que catholique, proche des trois religions monothéistes".

Créer des lieux de sacrifice pour la fête de l’Aïd? "Sur ce point, on est tous les trois assez en phase", répond René Vandierendonck, préconisant des abattoirs temporaires. Une grande mosquée à Roubaix? Pour Max-André Pick, "On ne doit pas avoir peur d’un beau et grand batiment qui ressemble à une mosquée." Slimane Tir, lui, "attend des musulmans de Roubaix de comprendre que la loi de 1905 est une bénédiction pour eux".
Pour les responsables du culte, l’objectif de la soirée a été atteint. "On voulait que le débat porte sur des points très précis. Comme il s’agissait d’une grande première, on a tenu avant tout à montrer que la communauté musulmane pouvait se présenter unie sans états d’âme", explique Rachid Gassen, vice-président de la mosquée Abou Bakr. En effet, rares ont été jusque-là les occasions pour les six mosquées de la ville de parler d’une voix commune.

"Un peu léger"
Après deux heures de déclarations, le sentiment qui domine autour du pot de l’amitié est pourtant la déception. Déception sur le fond, sur la forme, et une certaine désillusion quant à la portée des engagements pris. "Ce débat, c’était du vide!", s’emporte un employé de la mairie qui ne souhaite pas donner son nom. "On a oublié certaines questions principales sur la discrimination et le logement, par exemple, qui sont les premiers problèmes touchant la communauté musulmane." Désabusé, le jeune homme précise qu’il n’ira pas voter dimanche. "C’était un peu léger, trop carré", ajoute Youssef, 28 ans, qui regrette de n’avoir pas pu intervenir pendant le débat."Il y a des choses plus importantes que la viande hallal! Pour moi, ce sont les questions sociales qui vont primer et je ne crois pas qu’aucun candidat arrivera à mettre d’accord l’ensemble de la communauté musulmane de Roubaix".

"Le risque, c’est que ce genre de rencontre s’appuie sur une démarche clientéliste et non pas d’intérêt général", analyse Nathalie Dollé, journaliste à Lille qui animait le débat et connaît bien ces questions. Le vote musulman? Une notion "totalement absurde" selon elle. "Mais c’est intéressant que la communauté se voit en tant que telle: la génération d’avant n’avait pas une telle visibilité".

Mathilde Bellenger

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