vendredi 7 mars 2008

Lille - Abstention, le premier défi de l’élection

Martine Aubry atteindra t-elle les scores élevés que lui créditent les sondages? Sébastien Huyghe créera-t-il la surprise? Une chose est sûre, le premier défi de ces élections est de faire baisser l’abstention.

La région demeure en queue de peloton en termes de participation.“ C’est la conclusion d’un rapport publié en février 2008 par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) Nord-Pas-de-calais. L’Insee, qui s’est penché sur les élections de 2007 montre qu’au premier tour des présidentielles, 81,5% des inscrits se sont rendus aux urnes, contre 85,5% dans le reste de la France. En 2007, les électeurs du Nord-Pas de Calais ont rechigné à aller voter. Un geste qui s’explique par différentes raisons.
Il y a différentes sortes d’abstention, explique Denis Barbet, sociologue politique, l’abstention d’indifférence, d’apathie, de désintérêt, celle de ceux qu’on appelle “les pêcheurs à la ligne“. Une partie de des électeurs est indifférent à la démocratie, aux élections. C’est la conséquence d’une crise de la représentation“.

Une “désillusion générale“
L’abstention par désintérêt, les membres du comité de quartier de l’Hommelet connaissent bien. Depuis 2002, ils ont mis en place le collectif “Je pense donc je vote“, pour sensibiliser les habitants du quartier à ce geste citoyen. “Le déclic ça a été les présidentielles de 2002“ explique Bruno Lestienne, à l’origine du projet, “Le Pen est arrivé au deuxième tour et deux bureaux du quartier comptaient parmi les plus abstentionnistes, avec 70 à 80% d’abstention“. Rejoint par quelques associations, le comité de quartier a mis en place de “petites mobilisations“, distribué des tracts et organisé des rencontres entre les habitants du quartier et les candidats aux municipales. A chaque réunion, environ 70 personnes sont présentes, qui peuvent interpeller directement les hommes et femmes politiques sur les sujets qui les touchent. Les bénévoles du comité démarchent même les habitants du quartier par téléphone pour les inviter à venir et leur expliquer l’importance du vote. Pas toujours avec succès. “C’est dur de convaincre des gens qui ne votent pas depuis longtemps. Je crois qu’il y a une désillusion générale, une fracture citoyenne.“ analyse B. Lestienne
Un diagnostic partagé par le sociologue: “Pour une part des citoyens ce n’est pas nécessairement important de se déplacer. Ce n’est pas une dimension importante dans leur vie. Ce sont des gens qui n’ont pas forcément une vision politique de la vie. Peut être ont-ils une vision culturelle du monde.

Ils votent “avec leurs pieds“ en désertant les urnes
Mais c’est aussi la précarité et l’isolement qui, dans le quartier de l’Hommelet comme ailleurs dans la région pèsent sur le vote. “Je refuse de dire que c’est parce que les gens sont dans la merde qu’ils ne votent pas mais c’est un peu ça, ils ne croient plus que la politique va changer les choses.“ témoigne Bruno Lestienne. Pour les experts de l’Insee, la chose est claire, s’abstiennent davantage ceux qui sont “plus fragilisés sur le marché du travail“. Un exemple: 14% des actifs se sont abstenus au premier tour de l’élection présidentielle en 2007, ils étaient 26% parmi les chômeurs et 28,1% parmi les intérimaires. Ils seraient encore plus nombreux dans la région.
D’autres facteurs entrent bien sûr en jeu, l’âge –les 18-24 ans votent moins que les autres-, le lieu d’habitat –on s’abstient moins quand on vit en zone rurale- ou le cadre familial –les personnes isolées sont plus largement abstentionnistes.
Le travail de mobilisation des candidats, ou la politisation du scrutin jouent également: “Vu l’évolution des courbes de popularité de Sarkozy, on peut juger qu’une partie de l’électorat de droite est déçue et va voter “avec ses pieds“ en désertant les urnes.“ estime Denis Barbet.

Pêcheurs à la ligne, personnes isolées ou déçus du système, combien seront-ils à bouder les urnes les 9 et 16 mars ?

Pauline Froissart

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