dimanche 16 mars 2008

Lille - La rose du Nord



Réélue avec 66,56% des voix, Martine Aubry entame son deuxième mandat à la mairie de Lille. Les conditions ne lui étaient pourtant pas favorables au départ. Portrait d'une socialiste parisienne qui su convaincre le Nord de l'adopter.

À observer Martine Aubry flâner dans les allées du marché de Wazemmes, on devine qu'elle est devenue une vraie Lilloise. Elle connaît bien les commerçants, se laisse tutoyer, plaisante. Sans oublier de faire passer son message. Quand certains la félicitent des résultats du premier tour, elle répond sur un ton de confidence, "oui mais je suis déçue que les gens aient si peu voté".
Le temps du parachutage est bien loin. Pourtant, quand elle arrive de Paris en 1994, Martine Aubry se trouve face à un parti socialiste local plutôt hostile. Et pour cause, elle prend la place du dauphin jusque là incontesté de Pierre Mauroy: Bernard Roman. Bien qu'elle soit élue maire en 2001, on n'oubliera pas de le lui faire payer.
"Elle a beaucoup souffert d'être attaquée par le PS lui-même. Elle a bu la tasse en 2002 aux législatives parce que le PS n'a pas fait campagne derrière elle", affirme Pierre Mathiot, directeur de l'Institut d'Etudes Politiques de Lille (IEP). Mais Martine Aubry a du caractère. Elle a tourné la défaite à son avantage en se concentrant sur sa fonction de maire. "Elle a fait bouger le jeu politique local", précise Pierre Mathiot. Sa force a été de trouver des alliés indéfectibles tout en ménageant les personnes qui ne l'aimaient pas. Jusqu'à ce qu'ils en viennent, parfois, à la soutenir.

Mais convaincre les politiques ne suffit pas. En 2006, la Voix du Nord publie un sondage qui tombe comme un couperet. Si 78% des lillois interrogés estiment que le travail effectué par la municipalité de Lille est bon voire excellent, 58% souhaitent que la maire laisse sa place à quelqu'un d'autre pour les municipales de 2008.
Martine Aubry n'a de cesse de convaincre les Lillois qu'elle a le Nord "dans le sang". Lilloise d'adoption, elle ne manque pas de rappeler son attachement à sa terre d'accueil. "Je suis venue à Lille parce que Pierre Mauroy me l'a demandé mais aussi parce que j'aimais déjà le Nord. Au bout d'un an et demi, quand je rentrais à Paris une fois par semaine, j'avais hâte de revenir, et Martine Aubry d'ajouter, c'est ma ville depuis plus de dix ans, je me sens chez moi." Au vu des résultats des élections, le pari semble réussi.

Ce n'est pourtant pas une relation passionnelle qui unit les Lillois à leur maire. "C'est quelqu'un qui peut ne pas être aimée, mais elle est respectée, c'est l'essentiel en politique", explique Pierre Mathiot. Sa manière d'être y est pour beaucoup. "Ce n'est pas le genre à s'endormir en bout de table, elle bosse énormément. Elle est exigeante et c'est vrai qu'elle s'énerve si ça ne va pas assez vite. Mais elle a gagné le respect, même du patronat local ", précise le directeur de l'IEP. On l'a beaucoup attaquée sur son caractère quand elle était ministre. Un refrain qu'a repris l'UMP au début de la campagne pour les municipales. "C'est vrai que j'ai des exigences, je ne suis pas là pour sourire tout le temps mais pour me battre pour les gens. Je crois quand même être quelqu'un de généreux", assure la maire.

Le travail sur l'image, Martine Aubry n'en a jamais fait son fer de lance. Elle n'a pas étalé sa vie privée, et encore moins sa relation à son père, Jacques Delors. "Je n'ai jamais joué de la filiation, mon père m'est trop précieux pour que je l'utilise", confie-t-elle.
Ambitieuse la maire de Lille? Certainement, mais pas au point de faire de la politique spectacle. "Pour moi la politique est portée par des valeurs, par l'envie de se battre pour les gens. Vous ne verrez jamais une photo de moi avec mon mari ou avec ma fille". Et Martine Aubry de conclure, "J'arrêterai la politique s'il fallait la faire autrement".

Anne Dory, photo Jean-François Soléry

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